30 ans d’autoportraits photographiques.

Si mon premier autoportrait date de la maternelle, j’ai véritablement commencé à faire des autoportraits photographiques en 1991, d’abord avec des appareils photo argentiques puis numériques.

J’ai fêté mes trente ans d’autoportraits avec ma carte de vœux 2022. Chaque autoportrait sélectionné est emblématique de l’année durant laquelle il a été pris.

 
Sur la photographie couleur une femme aux cheveux courts et noirs est adossée aux deux murs d'une salle de bain aux carreaux orange. Elle porte un long pull et des bas blancs.
1991

Qui ou quoi photographier ?

C’est à 15 ans que j’ai eu mon premier appareil photo argentique. Mais qui photographier lorsque l’on est enfant unique ? Le fait d’avoir très souvent posé pour mes parents, ainsi que mon goût pour le mannequinat, m’ont très rapidement poussée vers l’autoportrait. Faire des autoportraits photographiques me permettait de revivre à loisir cette sensation magique que j’avais éprouvée lorsqu’à la maternelle j’avais fait mon premier autoportrait : l’impression d’être tout à la fois dernière et devant l’objectif.

Jeune femme les cheveux noirs et courts en pyjama bleu tient de sa main droite la poire de l'appareil photo qui la photographie. Sa position et la focale de l'appareil déforme son corps. Sa main semble plus grande que sa tête. Une aquarelle est accrochée derrière elle au dessus de son épaule gauche.
1992

S’émanciper du déclencheur souple de l’appareil photo.

Lorsque j’ai vu les premiers selfies sur les réseaux sociaux j’ai repensé à cet autoportrait de 1992. Au début, je n’utilisais pas régulièrement le retardateur de mon appareil photo argentique. J’utilisais un ancien déclencheur souple. Mais comme c’est aussi le cas lorsque l’on prend un selfie à bout de bras ou avec une perche, le câble du déclencheur, entre ma main et l’appareil était trop court. Très vite, j’ai fait le tour des portraits que l’on peut réaliser dans ces conditions. Photographier uniquement mon corps ne m’intéresse pas, je décidai donc de m’émanciper de ce câble…

Sur la photographie couleur, une femme brune aux cheveux noirs et courts assise de profil, visage tournée vers la gauche de la photo, sur un fauteuil voltaire positionné face à nous. Elle porte une robe en laine rayée par quatre bandes de couleurs : blanc cassé et trois sortes de verts. La robe s'arrête aux genoux. Elle se tient très droite, les mains sont croisées très sagement, posées sur ses cuisses. Derrière elle, le décor de l'intérieur d'une maison avec une plante et des bibliothèques.
1993

Endosser les habits de ses proches.

Je me souviens de cette incroyable robe en laine de ma grand-mère. 

Très vite, j’ai endossé les habits de mes proches afin de créer des personnages de fiction pour mes autoportraits. Grâce à une robe, un bijou, un lieu, un objet, la photographie devient un univers fantasmatique fruit d’une association d’éléments que le regardeur décrypte inconsciemment.

Autoportrait photographique de 1994. Fait partie de la série des autoportraits photographiques argentiques.
1994

Autoportraits et flous photographiques.

Mon père étant photographe, j’ai baigné dans un univers où la netteté de l’image est primordiale et choisir la lumière adéquate indispensable. Je revois ma mère promener une cellule photographique sur les objets pour régler l’appareil. 

Alors, évidemment, comme je ne suivais aucune de ces règles pour mes autoportraits photographiques, ils ne pouvaient pas ressembler à ceux si piqués d’un Robert Mapplethorpe. Après en avoir discuté avec mes parents, je décidai que je ne serai pas un grand photographe : mes photos resteraient floues et oranges…

Sur la photographie couleur, une jeune femme brune aux cheveux courts assise sur un siège posé au milieu d'une pièce. Ses jambes sont étrangement croisées sur sa poitrine. Elle porte un collant rayé noir et blanc. Elle tourne son visage vers un placard d'habits ouvert, placé derrière elle. Caché par les boucles de ses cheveux, son visage est à peine visible. À la droite de la photographie, un portant, on devine deux sacs dont un en forme de panda. Fait partie de la série des autoportraits photographiques argentiques.
1995

Incarnation photographique.

Si souvent pour mes autoportraits photographiques je construis un personnage et un univers fictifs. Parfois c’est le contraire qui se produit. L’autoportrait est l’incarnation photographique de ce que je suis ou de mon état d’esprit au moment de la prise de vue.

C’est exactement ce qu’il s’est produit avec cet autoportrait argentique de 1995. Je rentrais de l’université, la porte du placard était ouverte. J’ai vu l’image dans ma tête avant que la photo ne soit prise. Je n’ai eu qu’à m’asseoir dans le fauteuil pour la concrétiser.

Sur la droite de la photographie couleur on voit de très loin le reflet d'une femme dans le miroir accroché au mur. Elle est presque invisible car la pièce est sombre et que le miroir est de profil. Dans la partie gauche de l'image on devine, à peine éclairée par une lampe, l'intérieur d'un salon bourgeois. Fait partie de la série des autoportraits photographiques argentiques.
1996

Où il est question d’autoportraits et de temps qui manque.

Mon travail photographique est souvent nostalgique. Cet autoportrait fait partie d’une série de 36 poses. Le temps manquait. Alors, j’ai photographié en catastrophe, avec une unique pellicule argentique, cet appartement sur le point d’être vendu. Avant son décès, ma grand-mère y avait vécu peu de temps. Je voulais garder une trace de cet univers figé.

Autoportrait photographique de 1997 pris dans l'Hôtel la Grande Bastide. Fait partie de la série des autoportraits photographiques argentiques.
1997

Miroir et jumelle photographique.

C’est à cause de cet autoportrait fait à La Grande Bastide que j’ai pris goût à utiliser des miroirs pour mes photographies. 

Dans un reflet, les traits du visage sont inversés. Alors, lorsque l’appareil photo capture tout à la fois mon visage et son reflet c’est comme si, soudain, nous étions deux. Je suis contre quelqu’un qui me ressemble mais qui n’est pas moi : ma jumelle.

Autoportrait photographique de 1998. Fait partie de la série des autoportraits photographiques argentiques.
1998

Concours Elite Model Look.

En 1998 j’avais 22 ans, l’âge limite pour participer au concours Elite Model Look. En raison de mon âge et de ma taille je savais d’avance que je ne serais pas sélectionnée. Mais je voulais tester mes qualités de photographe en leur envoyant un autoportrait. 

J’ai toujours été fascinée par les femmes grandes et imposantes des photos d’Helmut Newton. Leur puissance provient parfois des lieux insolites où elles sont photographiées. Mon père m’a toujours dit que pour qu’une femme paraisse plus grande sur une image, il faut qu’elle soit photographiée en contre-plongée. Ma solution fut donc de monter sur la lunette des toilettes.

Après l’envoi de l’autoportrait, je suis partie en vacances. À mon retour, il y avait deux messages de l’un des directeurs de l’agence Elite sur mon répondeur.

Autoportrait photographique de 1999.Fait partie de la série des autoportraits photographiques argentiques.
1999

Miroir, l’instigateur d’autoportraits.

Ne sachant pas où l’installer, j’avais posé un petit miroir sur mon bureau. Un jour, en passant devant, je constatai que mon reflet ressemblait au portrait de ma grand-mère paternelle disposé à côté du miroir. Pour arranger la composition, je plaçai immédiatement sur la table une planche de Photomaton. Ainsi que la photo d’un ami, afin qu’on le devine en anamorphose. J’attrapai mon appareil argentique et je fis cet autoportrait.

Autoportrait photographique de 2000. Fait partie de la série des autoportraits photographiques argentiques.
2000

Un impact positif.

Exposer ou même vendre mes autoportraits photographiques est un exercice difficile. Si j’aime les faire, j’ai eu du mal à imaginer que l’on puisse vouloir en posséder un. 


La maman de ma meilleure amie acheta un tirage de cette série, conférant soudain à cette photo une valeur différente à mes yeux. J’avais longuement travaillé sur l’univers coloré de l’image. Mais lorsque je vois cette série de photos, c’est uniquement à Françoise que je pense. Et à l’impact positif que son choix a eu sur mes doutes.

Autoportrait photographique de 2001. Fait partie de la série des autoportraits photographiques argentiques.
2001

Ce que les autres projettent sur vos autoportraits photographiques.

J’avais 25 ans lorsque j’ai fait cet autoportrait déguisé en lapin. Quelques jours après l’avoir pris, une de mes connaissances le vit et me dit : « Je me souviens très bien comment tu étais à cet âge ! ». Cette personne pensait certainement que j’étais enfant sur cette photographie. Et n’avait peut-être même pas réalisé qu’il s’agissait d’un autoportrait. 
J’en conclue, que plus encore que ce que je savais déjà, il est impossible de contrôler ce que les gens projettent sur votre travail.

Autoportrait photographique de 2002. Fait partie de la série des autoportraits photographiques argentiques.
2002

Cyclope et autoportraits photographiques analogiques.

J’ai peu de souvenirs de cet autoportrait de 2002. Sur cette photographie on voit que mon bras est tendu vers quelque chose. Probablement le déclencheur de l’appareil photo de mon ami Marc. C’était un minuscule Canon Ixus, qui bien qu’argentique était grand comme un téléphone portable. Il faisait des panoramiques et sa pellicule restait, même développée, enroulée dans son petit boîtier.

L’unique chose dont je me souvienne c’est que ce portrait devait être la couverture du calendrier d’autoportraits photographiques que j’allais offrir à ma famille australienne. Je m’imaginais en cyclope, avec l’objectif de l’appareil photo comme œil unique.

Autoportrait photographique de 2003. Fait partie de la série des autoportraits photographiques argentiques.
2003

Autoportraits photographiques en Australie.

En Australie j’ai pris beaucoup de photographies mais peu d’autoportraits. Alors que je me lavais les mains dans l’évier de mon ami Luc, j’ai vu cette barrière à travers la fenêtre de la cuisine. Comme je n’avais pas de trépied, j’ai posé l’appareil photo sur le rebord de la fenêtre. Je n’ai fait que trois clichés.

Autoportrait photographique de 2004. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2004

Risques et premiers autoportraits photographiques numériques.

Si j’ai choisi cet autoportrait flou et surexposé pour l’année 2004, c’est parce qu’il représente le genre de risques que je prends pour mes projets photographiques. Comme lorsque je grimpe sur la lunette des toilettes ou sur le rebord d’une baignoire avec des talons aiguilles.

C’était la première fois que j’utilisais l’appareil photo numérique de mon père. Un appareil à 1,4 millions de pixels. Pour cet événement, j’avais décidé de créer une petite saynette dans un bassin vide et blanc. Un lieu parfait où la télévision Ribet Desjardins des années 70 serait la vedette. Elle pesait 20 kilos et moi 47. Et bien que le pied et le téléviseur étaient dissociables, je me retrouvai pour cette séance photo à les descendre de deux étages, puis à les faire glisser à bout de bras à l’intérieur du bassin qui n’avait ni échelle, ni escalier.

Je ne me souviens plus si cet appareil photo numérique avait un écran lcd. Mais ce qui est certain c’est que je n’ai vérifié aucun des clichés avant de terminer le shooting photo. Et alors que maintenant il m’arrive de faire 2000 photos dans la même journée. Ici, j’en avais fait autant que s’il s’agissait d’une pellicule argentique. Cet autoportrait photographique est donc un des deux seuls pris sous cet angle.

Autoportrait photographique de 2005. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2005

Détails photographiques.

Lors de mes premières années à Paris 8, Colette Hyvrard, l’une de mes enseignantes, insistait pour que j’ajoute plus de détails à mes autoportraits photographiques. Mais je ne comprenais pas ce que je pouvais ajouter de plus que ce qui était déjà présent dans le lieu dans lequel je m’étais photographiée.

C’est bien plus tard que j’ai compris comment des détails de la réalité une fois photographiés peuvent créer de la fiction. Ce sont eux qui suscitent l’intérêt du regardeur. Peu importe si dans ma vie quotidienne ce masque en pinces à linge fait au lycée est véritablement accroché à mon mur, que j’ai photographié cette peluche avant de l’offrir ou que cette carte est une invitation à un vernissage à la Maison Rouge. Ce que Colette Hyvrard souhaitait m’enseigner c’est que c’est à partir des objets que je lui offre à voir que le spectateur construit sa propre fiction.

Autoportrait photographique de 2006. Fait partie de la série des autoportraits photographiques argentiques.
2006

Rétroviseurs et morcellement du corps dans l’autoportrait photographique.

Si j’aime faire le trajet à pied entre ma ville et la ville voisine c’est que sur la route je trouve un trésor : des rétroviseurs cassés. Un, deux, j’en découvre parfois jusqu’à trois par jour. Et je n’ai aucune explication à ce phénomène. Est-ce parce que les voitures roulent trop vite ? Est-ce parce que la rue n’est pas suffisamment large pour accueillir voitures garées et circulation dans les deux sens ?

Toujours est-il que j’ai fini par prévoir une pochette de collecte dans mon sac à dos dédiée aux rétroviseurs cassés. Et je me suis inquiétée qu’en les découvrant dans mon sac, on ne se dise pas que j’étais la casseuse de rétroviseurs !

Au bout d’un certain nombre, j’ai accroché ces rétroviseurs cassés au mur. C’est comme ça qu’ils sont devenus l’un des sujets de mes autoportraits photographiques.

Autoportrait photographique de 2007. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2007

Comment représenter l’intime dans l’autoportrait photographique ?

Cet autoportrait est une de mes premières réponses à un sujet d’agrégation. Je ne me souviens plus précisément de l’intitulé ; « l’intime et la réapropriation », peut-être.

Par la suite, j’ai découvert que toutes les images présentes dans la réalisation devaient être produites sur place. Mais pour ce premier essai, je regroupai autour de mon corps ces reliques qui me tenaient à cœur. Le portrait de ma grand-mère paternelle (déjà présent sur l’autoportrait de 1999), des autoportraits photographiques photocopiés, des photos prises par Laure, la biographie d’Élisabeth Vigée Le brun… Ainsi que toute une série d’objets représentant ma grand-mère maternelle : sa photo, son mannequin, une de ses chaussures Charles Jourdan qu’à présent je portais et les portraits à l’huile qu’elle avait peint de moi. 

Je m’interrogeais. L’intime est-il en lien avec la nudité ou avec l’affect qui réchauffe le cœur ?

Autoportrait photographique de 2008. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2008

Ma vie en rose.

En 2008 j’ai été opérée. Je n’avais aucune idée du temps que j’allais passer à l’hôpital. Ni dans quel état je serai en en sortant. Alors, j’avais rangé ma chambre et tiré les rideaux.

Lorsqu’à mon retour j’ai ouvert la porte, toute la pièce était baignée de la couleur rose de mes rideaux. J’ai immédiatement attrapé l’appareil photo pour immortaliser cette ambiance. Cet autoportrait photographique n’est ni le plus beau, ni le plus intéressant de l’année 2008. Mais il est le plus significatif. 

Autoportrait photographique de 2009. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2009

Où il est question d’autoportraits et de se regarder dans un miroir.

Un jour j’ai une discussion avec une enseignante qui ne me croyait pas lorsque je lui affirmai que je me regardais rarement dans les miroirs. Comme si faire des autoportraits ou utiliser des miroirs en photo, implique obligatoirement que l’on passe sa vie à s’admirer dans des surfaces réfléchissantes.

Selon moi, le miroir est intéressant car techniquement il permet une plus grande profondeur dans la photo. Mais surtout, le miroir révèle un monde parallèle au nôtre. Lorsque je suis face à un miroir, c’est la pièce derrière moi que je regarde. Je l’observe et soudain je détecte des choses qui jusqu’alors, sans le miroir, étaient invisibles à mes yeux.

Cet autoportrait photographique est l’une des douze réalisations que j’ai produite pour répondre à l’un des sujets donnés par cette enseignante. Inconsciemment, j’avais certainement voulu lui dévoiler ce que je vois dans un miroir lorsque je ne m’y regarde pas.

Autoportrait photographique de 2010. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2010

Autoportrait en Ophélie

Lorsque l’on passe l’épreuve de pratique de 8 heures du CAPES ou de l’agrégation d’arts plastiques il faut au moins prévoir de porter un sac de matériels et un gigantesque carton à dessin capable de contenir des feuilles de 75 sur 106 centimètres. Oubliez le stylo et la bouteille d’eau pour les autres disciplines ! Au petit matin, au centre d’examen, je monte les sept étages avec mon imprimante à jet d’encre en plus de l’essentiel requis.

Les veilles des épreuves pratiques je dormais à l’hôtel pour être certaine d’être à l’heure. J’ai pris cet autoportrait photographique déguisée en Ophélie dans l’hôtel Campanile d’Arcueil entre l’épreuve d’histoires des arts et celle de pratique. Je ne me souviens pas de mon état d’esprit. Mais j’avais certainement eu l’impression d’avoir raté les deux épreuves théoriques. Faire ce shooting photo était une façon de rendre plus productif ce séjour à l’hôtel.

Autoportrait photographique de 2011. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2011

Autoportrait photographique et robe couleur du temps.

J’ai une passion pour les robes que porte Catherine Deneuve dans Peau d’Âne, le film de Jacques Demy. Et plus particulièrement pour la robe couleur du temps sur laquelle un ciel et des nuages défilent.

Il faut suivre ses intuitions car il y a parfois des hasards heureux. Cet autoportrait photographique pris lors de l’épreuve d’admission du CAPES d’arts plastiques en est un. 

Bien évidemment on ne connaît pas les sujets à l’avance. Mais une semaine avant de passer l’épreuve je m’étais mise en tête que je me déguiserais en Peau d’Âne pour ma réalisation. J’avais donc emporté dans mon sac un morceau de satin jaune qu’un coup de flash rendait doré. Ainsi que du tissu bleu, de la mousse et des sacs en plastiques pour représenter les nuages. 

Comme sujet, on nous donna une image du jeu des petits chevaux. Le simple fait que chevaux et ânes fassent partie de la famille des équidés me suffit pour élaborer un argumentaire. Alors, d’un coup de baguette magique et de Photoshop, j’ai réinterprété Peau d’Âne dans sa robe couleur du temps.

Autoportrait photographique de 2012. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2012

Autoportraits photographiques dans des chambres photogéniques.

J’ai réalisé cet autoportrait dans la chambre 402 de l’Hôtel Original de Paris. En raison de sa décoration, cette chambre est l’une de celles qui m’a le plus marquée. Elle fait partie de celles qui m’ont inspirées le projet Une chambre à soi.

À l’intérieur de la chambre 402, une petite carte expliquait que le designer s’était inspiré « des tenues couleurs de Lune et de Soleil de Peau d’Âne » pour la décoration. Le dessus de lit était une peau de bête synthétique et l’ensemble de la chambre était baignée de teintes argentées. Mais le plus remarquable était trois lampes qui ressemblaient à d’étranges méduses de plastique, tout à la fois lumineuses, argentées et colorées…

À chaque fois que j’ai quitté une chambre d’hôtel, j’ai regretté de ne pas y avoir fait plus d’autoportraits. Et systématiquement je me suis promise d’y retourner pour y faire d’autres photographies. L’Hôtel Original devenu Le Petit Beaumarchais en fait partie.

Autoportrait photographique de 2013. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2013

Que doit raconter un autoportrait photographique ?

Lorsque j’écrivais mon mémoire de Master, je me suis beaucoup interrogée sur ce que devait raconter un autoportrait photographique. Travaillant principalement sur l’autofiction j’élaborais de petites histoires à partir de mes autoportraits. 

Assez vite, je me suis dit qu’il fallait que mes autoportraits semblent être pris dans ma vie quotidienne. Voire, que je donne l’impression qu’il ne s’agissait pas d’autoportraits mais de photographies faites par des proches. Et parfois, lorsque je le peux, donner l’illusion à la personne qui regarde la photo que c’est directement elle que je regarde.

Alors soudain, je suis au bord de la mer. Mon nez et mon oreille sont rougis par le froid. Je me retourne vers mon ami. Il en profite pour me voler un portrait…

Autoportrait photographique de 2014. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2014

Épuisement photographique.

On m’a souvent fait remarquer que j’étais très différente dans la réalité et sur mes autoportraits. On m’a dit que sur ces photos j’avais l’air sévère, triste ou même de faire la gueule. Évidemment et heureusement, c’est parfois volontaire…

Mais je crois qu’assez souvent, cet air triste ou cette impression de lassitude qui se dégage de mon visage sont simplement dû à la concentration ou à l’épuisement. Pour cet autoportrait, je ne me suis pas uniquement assise sur le lit. Avant d’obtenir cette photo, j’ai probablement déjà fait dix allers-retours entre le lit et l’appareil. Cette impression de tristesse est un des nombreux paramètres qui m’échappent lorsque je fais un autoportrait photographique.

Autoportrait photographique de 2015. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2015

Construction d’une image nostalgique.

J’ai pris l’habitude d’endosser les habits de mes proches ou de photographier leurs objets. Néanmoins, si le kimono que je porte sur cet autoportrait est si précieux à mes yeux, ça n’est pas seulement parce que je l’ai vu dans mon enfance. C’est surtout parce que ma mère me raconte régulièrement le souvenir de sa mère le portant pour le petit déjeuner. Cette nostalgique description me renvoie à mes propres souvenirs de ma grand-mère.

Par peur de l’abimer, je ne l’emporte que lorsque je fais des shootings photos près de chez moi.

Pourtant, à cause de l’origine ma grand-mère, il a été la première chose que j’ai glissée dans ma valise lorsque j’ai su que j’allais séjourner à l’Hôtel des Indes de La Haye. Me projetant, je l’imaginais dans cette luxueuse chambre. Pour parfaire cette image nostalgique je me suis parée d’un chignon et des boucles d’oreilles de ma grand-mère.

Autoportrait photographique de 2016. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2016

Réappropriation photographique.

Les vidéo-clips rythment chacun de mes shootings photos dans les chambres d’hôtels. Mais c’est à partir de l’autoportrait pris dans l’Hôtel des Indes que je me suis véritablement intéressée à l’apparition de leurs images dans mes créations. Avec cette photo, je découvrais l’interaction de ces deux corps, hors et dans la télévision. Je trouvais intéressant ce résultat, fruit du hasard.

À partir de cet instant, je me suis mise à transporter des captures d’écran de vidéo-clips dans mon ordinateur. Mon but est de créer des dialogues, des associations de références et des images complexes. 

Dans cet autoportrait photographique pris dans le Legend Hôtel s’établit une rencontre aquatique entre Nolwenn Leroy (clip de Mark Maggiori pour la chanson « Mna Na Heireann ») et Julien Doré (clip de de Brice VDH pour la chanson « Le lac »).

Autoportrait photographique de 2017. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2017

Les Mystérieuses de la Forteresse.

En 2017, j’ai réalisé une série d’autoportraits dans la Forteresse de Mello. Ce château, de plus de quarante chambres, accueille les séminaires de Châteauform’ ; et mes amis Caroline et Vincent en étaient les hôtes. Le nombre de salles, escaliers et recoins est impressionnant. Au point que j’étais obligée d’utiliser un minuteur pour ne pas consacrer plus de vingt minutes à chaque pièce.

Chacune des chambres porte le nom d’une rue de Paris, ce qui rend le lieu propre à concevoir des univers fantasmagoriques. J’imaginai alors de mystérieuses femmes parcourant chapelle, suites et salle de jeux… Glissant sur les parquets, apparaissant dans les miroirs ou au détour d’une volée de marches.

Autoportrait photographique de 2018. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2018

Illusion photographique.

C’est suite à des commentaires sur les réseaux sociaux que j’ai réalisé à quel point il y a un monde entre ce qu’imagine celui qui regarde un de mes autoportraits photographiques et le souvenir que je garde du shooting photo. 

Si la mise en scène donne l’illusion que je prends un bon bain dans une des chambres de l’Element Hôtel, et si à une époque, moins efficace, j’aurais pu être nue dans une baignoire pleine d’eau, ici, il n’en n’est rien ! Comme c’est le cas avec l’autoportrait de 2014, j’ai uniquement fait des allers-retours entre l’appareil photo et l’intérieur de la baignoire vide. En souvenir j’ai eu quelques hématomes.

Autoportrait photographique de 2019. Fait partie de la série des autoportraits photographiques numériques.
2019

Hasard et fibre du bonheur.

Longtemps, l’important était qu’un vêtement me plaise et non qu’il m’aille ou me mette en valeur. Mais j’ai soudain pris vingt kilos. Beaucoup de femmes portent du 44. Trouver des habits n’était donc pas un problème. En revanche, je ne me reconnaissais plus.

Ma mère eut la bonne idée de chercher : « wax grande taille». Et par un heureux hasard nous sommes immédiatement tombées sur la boutique Ibilola et les créations de Gaëlle Prudencio.

Est-ce parce que ça faisait longtemps que je ne m’étais pas sentie comme une princesse dans une robe ? Est-ce Gaëlle qui par son attitude insuffle une énergie positive et toujours motivante ? Aucune idée. Ce qui est certain c’est qu’il suffit que je sois dans une tenue Ibilola pour que je me sente bien. C’est pour cette raison que je les porte régulièrement dans mes autoportraits. 

Autoportrait photographique de 2020.
2020

Weird Wolves et les autoportraits photographiques.

En 2020, j’ai assisté aux différents concerts que le groupe Weird Wolves faisait en livestream. Et par l’intermédiaire d’autoportraits, je relayais les dates de ces lives sur les réseaux sociaux. Même si j’ai pris l’habitude depuis 2016, d’intégrer des images, ne m’appartenant pas, à mes propres créations, il est difficile de se renouveler lorsque l’on annonce une date de concert !

C’est pourquoi, lorsque Weird Wolves a sorti un débardeur avec son logo de loup, je me le suis immédiatement procuré. J’avais 12 ans la dernière fois que j’ai acheté le t-shirt d’un chanteur. Porter ce débardeur a été ma façon d’innover.

Autoportrait photographique de 2021.
2021

Déclic Hôtel et autoportrait végétal.

Mal était un de mes meilleurs amis des réseaux sociaux. Nous partagions le goût des images et des plantes. Avec sa famille il habitait sur la côte est des États-Unis et je ne l’ai jamais rencontré. Mais j’espérais qu’un jour ils viennent ensemble me rendre visite. 

Mal m’avait envoyé l’image végétale que l’on peut voir sur cet autoportrait. Malade, il m’avait dit l’avoir créée à l’hôpital. Lorsque j’allais dans la Suite Diapositive du Déclic Hôtel, j’emportais toujours des photos pour les diffuser sur les écrans. J’ai donc immédiatement emporté l’image de Mal. Mon but étant de lui envoyer, en retour, l’autoportrait photographique dans lequel sa création apparaîtrait.

Mal s’est éteint en décembre 2021. Nous avions échangé tant d’images et de conversations à propos de nos jardins qu’il était évident que cet autoportrait représenterait l’année 2021.