Non facturé

Dans les années 90, la Fnac collait en plein milieu de certains tirages photographiques une petite étiquette portant la mention : « non facturée ». Cela signifiait que le tirage n’était pas facturé. Mais aussi que la photo, selon leurs critères, était ratée.

En souvenir de cette classification arbitraire, je nomme mes autoportraits flous, au corps déformé ou aux cadrages improbables des « non facturés ».

Autoportrait et superposition d’images.

Je me souviens de cette séance d’autoportraits. Je m’en souviens d’autant plus que j’ai filmé cette séance avec un caméscope. Entre chaque cliché, je devais reposer ma jambe à terre pour me déplacer et réarmer l’appareil. Mon pied était inconfortablement posé sur une commode, c’était donc épuisant.

Soudain j’ai senti une forte résistance au moment du réarmement de l’appareil. Je n’avais jamais eu cette sensation. La mécanique de l’appareil analogique est fragile. Dans le boitier, la pellicule se déroule, se déploie et se ré-enroule sur elle-même, par à-coup et au rythme du réarmement. La pellicule glisse et s’agrippe, comme si elle était vivante. Pas plus alarmée par cette résistance, je continuais. 1 photo, 2 photos, 3 photos de plus… Mais la pellicule fait 36 poses et j’avais atteint les 40.

Une fois la pellicule développée, j’ai découvert qu’elle s’était déchirée sur les rouages de l’appareil et qu’une partie avait été exposée à de multiples reprises. De cette séance photo, il ne me reste que la vidéo et cet autoportrait non facturé.