Une chambre à soi

Je fais des autoportraits photographiques dans des chambres d’hôtels depuis 1997. Durant les années 2010-2011 j’en ai fait beaucoup plus souvent car ils étaient la matière première de mon mémoire de Master. C’est à cette période que je me suis beaucoup plus intéressée aux hôtels, leurs décors, leurs clients et à ce que l’on pouvait y faire. 

Cette série d’autoportraits s’appellent « Une Chambre à soi ». C’est un hommage à l’essai éponyme de Virginia Woolf. L’auteure expliquait entre autres qu’une femme devrait, au moins, disposer « de quelque argent et d’une chambre à soi ». Un lieu pour s’épanouir et créer.

Cette photo fait partie de la série d'autoportraits photographiques pris dans des chambres d'hôtels. Sur cette photographie couleur, une femme est allongée sur un grand lit recouvert d’une couverture d’un rouge bordeaux. Un bras plié sous sa tête, elle a l’air profondément endormie. Sa robe bleue est tellement longue que son corps semble se fondre dans les tissus. Sur les tables de nuit sont posés des cadres avec des photos de famille. Des papillons de tailles différentes sont peints sur les murs. Avec des papillons, des fleurs et des oiseaux en cage, la décoration de la chambre d’hôtel donne l’illusion que la femme dort dans la nature.
Autoportrait dans l'une des chambres de la Paresse de l'Hôtel Vice Versa.

À part dormir, que fait-on dans les chambres d’hôtels ?

J’ai débuté mes autoportraits dans des chambres d’hôtels avec la série que je nomme « Les jumelles ». Nous étions en 1997 et je séjournais à la Grande Bastide pour assister aux conférences des Rencontres Internationales de Lure. Bien souvent je m’éclipsais l’après-midi pour me reposer, me baigner et faire des autoportraits photographiques.

Par la suite, j’ai continué à prendre des autoportraits photographiques dans des chambres d’hôtels : durant des vacances, des escapades romantiques, des déplacements de travail, des mariages, des anniversaires… Et très vite, la raison pour laquelle j’étais venue à l’hôtel n’était plus qu’un prétexte. Il était impératif pour moi de rentrer de cet escale avec des autoportraits. Je préférais passer une journée à l’hôtel pour y faire des photos que quoi que soit d’autre.

Cette photo appartient à la série d'autoportraits photographiques pris dans des chambres d'hôtels. Sur cette photo, une femme au long cheveux brun et lunettes et assise en tailleur sur un lit dont les draps sont blancs. La tête de lit est recouvert d'un papier peint qui ressemble à des photos Polaroïds. Elle porte une robe en tulle d'un rose très vif. Elle a le visage penché sur son téléphone. et autour d'elle on voit un MacBook Pro, un carnet et un stylo.
Autoportrait prit dans la Suite Instantanée du Déclic Hôtel.

À l’instant même où faire des autoportraits était devenu l’unique raison de mes séjours à l’hôtel, je me suis demandée ce que les clients, eux, pouvaient bien faire dans leurs chambres. Une question que je ne m’étais jamais posée jusqu’alors. 

Si moi je faisais des autoportraits. Eux, que faisaient-ils ? Dormaient-ils ? Avaient-ils un rendez-vous de cinq-à-sept ? Travaillaient-ils afin d’être prêt pour un important rendez-vous le lendemain ? Mangeaient-ils ? S’ennuyaient-ils de leur famille ? Buvaient-ils jusqu’à plus soif ce qu’il y avait dans le mini bar ? Utilisaient-il le coffre pour y mettre leur passeport ? Regardaient-ils la télé pour passer le temps ? Prenaient-ils des bains alors qu’ils n’en n’avaient jamais l’occasion chez eux ? 

J’imaginais ce que les artistes en tournées pouvaient ressentir en changeant d’hôtel chaque nuit. Et j’ai alors commencé dans mes autoportraits photographiques à me mettre en scène. J’étais dans une fiction dans laquelle, moi aussi, j’étais comme eux en déplacement dans une chambre d’hôtel.